Careful with that Axe Black, Eugene !

Peut-être avez-vous vu le dernier film publicitaire pour le déodorant parfumé AXE BLACK ? Bien souvent les spots drôles et décalés de cette marque me font sourire, mais celui-ci me provoque des tics nerveux au coin de l’œil… Et si vous aimez le parfum, il est probable qu’il vous fasse le même effet.

Axe (Lynx dans d’autres pays) appartient au groupe Unilever. C’est une marque qui ne met pas en avant son efficacité anti-odeurs mais son pouvoir parfumant. Depuis son lancement en 1983, elle a construit son succès mondial sur une communication franchement décalée (« the Axe effect ») qui prétend qu’en s’aspergeant de ce produit, on fait tomber les filles comme des mouches. Littéralement. Grâce à cette stratégie, Axe ne cesse de gagner des parts de marché, de voir sa popularité croître parmi les 15-25 ans et de remporter régulièrement des récompenses dans les festivals de films de pub internationaux.

Ce dernier film montre toutefois une rupture par rapport aux précédents. Si la stratégie de fond est toujours la même (on vend le parfumage plutôt que l’efficacité), fini le second degré : pour la première fois, un déodorant vendu en grande surface revendique qu’il est « créé par les plus grands parfumeurs au monde ».

Pour expliquer cela, on a un spot en forme de collage de plusieurs films : il s’ouvre sur un discours qui prône la simplicité et le retour à l’essentiel en voix off façon La vie est belle avant de nous montrer un jeune cool style Hugo et de s’achever sur un plan final à la « Inévidébeul » mâtiné de « What else ? »…

Mais surtout, surtout, il y a ce geste à la fin.

Axe-Black-ad-visualOn y voit le protagoniste du film se vaporiser du déodorant sur le t-shirt et les poignets et frotter ensuite ses deux poignets l’un contre l’autre. Un geste dont les professionnels de la parfumerie vous disent qu’il ne faut JAMAIS le faire car il casse les molécules du parfum.

Voilà donc un film qui positionne son produit sur le créneau de la parfumerie fine en expliquant qu’il est créé par les meilleurs parfumeurs au monde et qui, l’instant d’après, réduit à néant la crédibilité de ce qu’il vient de dire en montrant le geste typique de quelqu’un qui, justement, ne connaît rien au parfum !

J’imagine assez bien qu’au moment de créer ce spot, deux logiques se sont affrontées : celle du professionnel qui sait qu’on ne doit pas frotter sa peau après s’être parfumé et celle du publicitaire qui s’est demandé quel était le geste que les jeunes hommes qui constituent son marché associaient à cette action. C’est la seconde logique qui a gagné et c’est normal : un spot publicitaire fonctionne avec un certain nombre de codes qui doivent être immédiatement compris de sa cible et ce geste iconoclaste fait (hélas) partie de ces codes.

Aussi contraire au bon usage de la parfumerie qu’il soit, ce film publicitaire s’adresse donc de la bonne façon à sa cible : Axe est acheté par cette population masculine qui pense qu’on se parfume avec un déodorant et qui est très loin des fragrances de niche ou même des eaux de toilette de grandes marques. Parmi ceux-là, cet Axe Black s’adresse à ceux qui ont envie de se parfumer de façon « subtile et raffinée », une élite parmi les utilisateurs de fragrances tue-mouches qui constituent tout de même l’essentiel des références de cette Marque…

Alors, bien sûr, je fais des bonds sur mon canapé quand passe ce spot. Mais je me dis que parmi les utilisateurs de cet Axe Black, certains saisiront peut-être cette perche mass-market et deviendront un jour des amateurs de vraie parfumerie. Des hommes qui, d’ici là, auront appris de leur petite amie ou d’une animatrice de parfumerie avisée qu’on ne frotte pas ses poignets l’un contre l’autre après s’être parfumé.

Hervé Mathieu

PS : Le titre de cet article est un clin d’œil à un morceau instrumental de Pink Floyd sorti en 1968.

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